Albert ARIBAUD ✎
Elle vérifie son sac à dos avec soin. Rations, couverture isotherme, trousse médicale, batteries, cartes, grenades, et bien sûr, la poupée.
Puis elle s'assure qu'une cartouche est chambrée et que le PM est à la sûreté, ajuste casquette et lunettes fumées, et se met en route.
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Elle avait lu que dans le passé des gens parcouraient le Texas, enthousiastes à l'idée de découvrir... quoi ? Les paysages ? Les habitants ? Clairement, ça ne devait pas être pareil à l'époque. Et encore, la région des collines, où elle se rendait, n'était pas la pire.
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Elle trouve des traces : un foyer, bien éteint mais mal dissimulé, et surtout, des traces de pas. Soit il y a un camp de vacances dans les environs, mais les camps de vacances n'existent plus, soit elle est sur la bonne piste, celle d'un enfant et, apparemment, trois adultes.
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Un jour et demi plus tard, elle les repère. Enfin, repérer est un bien grand mot, dans la mesure où l'un des trois hommes porte un pull rayé rouge et blanc. Plutôt exotique comme discrétion. C'est comme un cadeau d'anniversaire pour elle de la part de Dame Fortune.
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Aux jumelles, elle pouvait déjà en apprendre beaucoup sur les trois hommes. Celui au pull : grand, maigre, fana de lames blanches. Un autre, moins grand, plus râblé, apparemment celui qui gère l'intendance. Et un barbu, qui semble... avoir vomi récemment ?
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Le soir venu, elle constate qu'ils éclairent leur camp avec une lampe-tempête électrique. C'est un choix qui se comprend pour une randonnée mais pas quand on va parcourir plusieurs centaines de kilomètres sans assurance de trouver une source d'électricité.
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De nuit et à travers les jumelles, la lampe fait des yeux blancs au porteur du pull rayé, ce qui lui donne un air de mime zombie. Il s'adresse à l'intendant, qui lui montre un carnet. Des reflets sur la couverture, elle estime que c'est un passeport. Sûrement celui du garçon.
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Au matin, elle les observe se préparer avant de reprendre la la marche. Pendant que le mime prépare son sac, le barbu prend des poses de prêtre karatéka sous le regard dubitatif de l'intendant, qui range le camp et s'occupe du garçon.
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Aux premiers rayons du soleil, ils finissent de plier les tentes et endossent les sacs. Ils s'apprêtent à repartir. Le mime se penche, saisit dans l'herbe rase une perche terminée par la lame d'une tronçonneuse. Quel esprit malsain peut imaginer une arme pareille ?
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Quand au barbu, il semble conscient que les katas mal exécutés ne seront guère utiles, si elle en juge par le fusil à canon scié qu'il arbore. Pas vraiment une bonne arme nomade, cependant, parce qu'avec la dispersion on risque de toucher un allié.
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Ce qu'elle voit fait remonter en elle le souvenir des soirées où sa mère l'emmenait acheter des en-cas à un vendeur ambulant, puis au cinéma voir le film de série Z du moment, action, aventure, science-fiction, horreur, souvent agrémenté d'accessoires de fortune.
Albert ARIBAUD ✎
Quand le film était fini, en sortant de la salle, elles voyaient les lumières du supermarché à distance -- c'était un temps où l'on pouvait éclairer un énorme bâtiment toute la nuit sans que personne n'y voie de problème.
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Mais le supermarché est loin dans le passé. Son horizon aujourd'hui, ce sont des collines et des bosquets épars aussi loin qu'elle peut voir, et le seul point notable avant de rattraper le trio a été un tacot rouillé sur une vieille route recouverte de végétation.
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Elle a aussi vu au loin errer un husky. Sans doute ses ancêtres loups ont facilité le retour à la nature de l'espèce. C'est là que la lampe électrique prend un avantage en les tenant éloignés; elle, devant camper dans le noir pour ne pas être repérée, n'a pas cette chance.
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Tout ce qu'elle a pu trouver sur la région, c'est un vieux guide de voyage avec un plan touristique certainement pas à l'échelle et qui vante le bienfait de manger un œuf chaque jour, sans doute le vestige d'un passé glorieux dans l'élevage de volailles.
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Quant aux locaux qu'elle a croisés dans la région, en voyant sa tenue de camouflage authentique et son équipement, tous les mâles ont jappé des « travestissement ! » et des « bidon ! » -- même si elle avait pu s'approcher assez pour les poignarder avant qu'ils la remarquent.
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En attendant de leur laisser assez de distance, elle ajoute dans son journal la description des hommes et de leurs armes, ainsi que celle de la citrouille qu'elle a trouvée cette nuit et dont elle a mangé la pulpe. Ça pourra être utile plus tard de savoir si ça se digère bien.
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Elle se dit qu'ils ont une lampe électrique mais pas de caméra thermique, sinon ils s'en seraient servi pour conduire une surveillance nocturne, ils l'auraient repérée et l'auraient tenue à distance, au mieux, neutralisée, au pire. Enfin, au mieux du pire. Au pire du pire...
Albert ARIBAUD ✎
Tout en s'approchant d'une crête -- prudemment, au cas où le groupe se serait arrêté juste au-delà -- elle repense à la télévision de son enfance. Les stations émettrices existent toujours, mais les récepteurs sont rares et les émissions plus rares encore.
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Bien sûr, aujourd'hui on utilise la télévision presque seulement pour diffuser des informations vitale, mais une fois par semaine des femmes en maillot de bain rouge s'y baignent dans la mer et des hommes en lycra rouge y meurent sur un monde inexploré.
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Elle sort de sa rêverie et revient au problème présent. Charger le trio, de jour, était une mauvaise idée : le barbu pouvait stopper un rhinocéros, et puis le mime avait des couteaux à faire se pâmer un critique culinaire. Mieux vaudrait tenter l'exfiltration discrète de nuit.
Albert ARIBAUD ✎
Elle mûrit son plan. Le mime et le barbu dorment chacun dans une tente. L'intendant dans la troisième, à l'avant, et le garçon au fond. Se faufiler dans le camps la nuit. Fendre sans bruit le pan arrière. Réveiller l'enfant en silence. Le faire sortir. S'éloigner discrètement.
Albert ARIBAUD ✎
Hum. J'ai shunté le mot "famille". Bon, si je peux, je réécrirai avant la fin du mois...
Albert ARIBAUD ✎
Sous une presque nouvelle lune couleur de rouille, elle entaille la toile de la tente, passe le bras, pose pose la poupée contre la joue de l'enfant. Il renifle, ouvre des yeux surpris, la regarde, mais en silence. Celui qui a suggéré d'emmener la poupée mérite une promotion.
Albert ARIBAUD ✎
Tout en aidant le garçon à se faufiler au-dehors, elle lui chuchote :
"Je fais partie des San Antonio Metro Marshals. Ça a été toute une expédition pour te retrouver ! Et maintenant je vais te ramener à tes parents. On n'a plus qu'à s'éloigner sans faire de bruit et--"
"HÉ !"
Albert ARIBAUD ✎
Le mime se tient à quatre pattes à l'entrée de sa tente comme un épouvantail émergeant d’une bouche de caniveau. Il n'a pas d'armes en main, mais derrière elle, elle entend glisser la fermeture éclair de la tente du barbu et le bruit d'un chien de fusil qu'on arme.
Albert ARIBAUD ✎
Le mime se retourne, sans doute pour piocher une ou deux pièce de sa collection d'armes blanches. Un bon choix s’il s’agit de poser avantageusement en mode guerrier devant une caméra, un mauvais quand à gérer le pétard incapacitant qu'elle lui lance prestement entre les genoux.
Albert ARIBAUD ✎
Elle se retourne. De l'autre tente sort le barbu, fusil en main. Il voit qu'il risque de toucher son comparse, alors il avance en arborant une garde béante. Un coup de talon a la gorge, puis un shoot au bas-ventre pour la route. S’il voulait des enfants, il restera l’adoption.
Albert ARIBAUD ✎
Mais avant même que le barbu ne s'effondre, quelque chose passe devant ses yeux et aussitôt un étau de douleur géant enserre son cou et sa gorge. Strangulation. L’intendant ! Une sangle, pas un filin. Trop tard pour equiver ou parer. Dix secondes avant l’inconscience.
Albert ARIBAUD ✎
Elle saisit les poignards dans les fourreaux attachés à ses cuisses et frappe en arrière, encore et encore, ses bras comme les marteaux d’une machine à écrire. La sangle se desserre. L'intendant -- c'était lui -- titube tel un navigateur ivre sous des étoiles tournoyantes.
Albert ARIBAUD ✎
L’intendant s’effondre. Le mime est allongé immobile sous les restes fumants de sa tente. Le barbu travaille son imitation de leçon de violon jouée sur un tourne-disque à manivelle. Elle reprend déjà son souffle, lui ne le retrouvera pas avant plusieurs heures.
Albert ARIBAUD ✎
Elle s'accroupit près de l'enfant roulé en boule au sol, l'aide à se relever dos au trio. « Allez, viens, petit. On va retrouver tes parents. Tu aimes les jeux de piste ? Le premier repère, c’est... une grand plante verte. Tu la vois ? Alors on y va. »
FIN
Albert ARIBAUD ✎
@trefle Merci ! 😊
trefle ⏚
Albert ARIBAUD ✎
N'hésite pas à signaler les coquilles 😅
Sgt Pépère
@aaribaud
Y a plus qu'à relire tout ça :)
Albert ARIBAUD ✎
@sgtpepere
Merci ! ☺️
Sgt Pépère
@aaribaud
Rien vu. Bon, j'étais un peu pris dans le récit. Bravo ! :)
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