César, quand il a un souci, il fait creuser des trucs. Ou construire des trucs. Et après il te raconte en détail comment il a construit des trucs. On dirait votre tonton Jean-Phi de Meudon qui t'expose point par point comment il a refait sa véranda. A mon avis, sa vraie vocation c'était chef de chantier en BTP ; hélas, sa société corsetée, élitiste, l'a poussé vers un cursus politique et militaire, et parfois César soupirait, mélancolique, devant une pioche ou un remblai.
Dans Corfinium, avec son plus beau calame, Domitius écrit à Pompée : "Cher Pompée, On est à Corfinium et c'est un super endroit stratégique pour couper la route de César et l'empêcher de s'approvisionner. Sache qu'on est plein là-dedans à te soutenir et y a des gens importants, des sénateurs des chevaliers et tout. Steuplaît steuplaît steuplaît envoie-moi plus de gens pour castagner." Il envoie la lettre, puis place plein de catapultes sur les murs de Corfinium pour trucider les pro-César.
César, lui, arrive vers la ville, après avoir soumis au passage la ville de Sulmo, faisant fuir ses dirigeants pro-Pompée. Il établit son camp près de Corfinium, et nous explique qu'il fait renforcer les fortifications.
Parce que la véritable arme de César, plus que l'épée, le verbe ou la propagande, c'est ça :
Cependant César continue à avancer en Italie de l'est, sous (comme de bien entendu...) les bravos et hourras des foules en liesse. La riposte des Pompéiens s'organise toutefois : un certain Vibullius Rufus récupère moult légions d'autres dirigeants en fuite et monte jusqu'à la cité de Corfinium.
Il y rejoint un autre Pompéien, répondant au doux nom de Domitius Ahenobarbus. (Barbe-de-bronze. Non, me demandez pas pourquoi. Il avait peut-être un ancêtre qui avait des soucis pour se raser.)
Ainis, dit César, il n'a qu'à envoyer son homme de confiance Curio à la ville d'Iguvium pour que son dirigeant pro-Pompée s'enfuie et que la ville l'accueille en liesse. De même, quand il approche d'Auximum, dirigée par le super pompéephile Attius Varus, les notables d'Auximum menacent littéralement leur dirigeant de mort s'il n'accueille pas César. Attius Varus ne se le fait pas dire deux fois et prend la poudre d'escampette. Sauf que pouf, il se fait choper en route par les troupes de César.
Attius Varus s'enfuit mais en perdant tous ses soldats en route et en laissant un centurion se faire capturer. César, trop bon, rend la liberté au centurion.
Il est comme ça, César. Généreux. Et pas le dernier à raconter qu'il est généreux dans ses bouquins.
Quand ces nouvelles arrivent à Rome c'est grosse panique et gros boxon. Lentulus le méchant consul est tout perturbé. Il pioche donc dans l'argent public et file à Capoue (près de Naples). C'est là que se rassemblent les troupes de Pompée.
César grogne, estime qu'il y a une coquille dans le potqage, et opte pour plutôt avancer en Italie avec ses troupes. Parti d'Ariminum (Rimini, la ville à côté de laquelle même Palavas a l'air sexy https://www.youtube.com/watch?v=Im-z75LfP38), César occupe sans difficulté les villes d'à côté, où il recrute des renforts, et descend jusqu'à Ancona (Ancône). En plus, en Italie, César a l'air d'être super populaire. Les cités sont bourrées de ses partisans.
Le message est le suivant : "Oui, boh, Jujules, faut pas m'en vouloir, je fais pas ça contre toi, c'est pour la république." César répond : "Hey, Pompon, t'es mignon mais tu m'enlèves *mes* armées, *mes* honneurs, et jusqu'ici j'ai été bien gentil. Donc, je repropose : on congédie nos armées TOUS LES DEUX, et paix, joie et amour sur la terre." Un petit aller-retour de lettres, et Pompée répond : "Hum, pourquoi pas, mais on continue à recruter des troupes tant que t'es pas parti d'Italie."
S'adressant à ses soldats, César leur présente les bullet points suivants : > ses ennemis sont trop des pas gentils > et les tribuns de la plèbe ? HEIN ? pauvres tribuns de la plèbe ! > s'ils laissent faire Pompée celui-ci va tout leur piquer > l'avis "ultime" du Sénat, c'est normalement utilisé en cas de révolte et d'émeutes, trop pas juste qu'il soit employé contre César > il est leur général bien-aimé, est-ce qu'ils veulent bien l'aider ?
C'est logiquement à ce moment-là que César passe le Rubicon. Mais César il est pas là pour vous raconter des histoires mignonnes; mais pour justifier sa prise de pouvoir et pour parler logistique, baston et BTP. (Oui, BTP, on y reviendra.) Alors je vous prie d'aller lire Suétone et de nous laisser avancer. http://bcs.fltr.ucl.ac.be/SUET/CAES/31.htm
César arrive donc à Rimini, où il reçoit ses amis et un envoyé, Lucius Caesar, qui lui porte un message de Pompée.
Pompée, étant comme par hasard un "proconsul près de Rome", fait alors le décompte de ses troupes : 10 légions dont une majorité en Espagne, et des renforts à recruter partout en Italie et chez les alliés.
Cependant, les deux tribuns de la plèbe (dont Marcus Antonius, au passage) (celui qui sera plus tard amant de Cléopâtre) (ben quoi, c'est pas parce qu'on est tribun de la plèbe qu'on doit être un pouilleux) filent retrouver César, qui est à Ravenne, avec son armée.
César apprend donc qu'il est l'ennemi public n°1. Il se fend d'une digression pour expliquer que le pouvoir fait plein de trucs pas vraiment légaux comme pas donner des provinces aux partisans de César, laisser les consuls quitter Rome sans les cérémonies prévues, piocher dans le trésor des temples pour financer l'armée... Franchement, y avait pas de quoi justifier une petite guerre, hein ? hein ? non ?
Enfin, très pas content, César fait un discours. Rassurez-vous, y en a moins que chez Xéxé.
Bref, le 7 janvier, sous la menace, les tribuns de la plèbe ne peuvent empêcher le Sénat de voter un "senatus consultum ultimum", un avis *ultime* du Sénat, libellé ainsi : "Les consuls, préteurs, tribuns et proconsuls près de Rome doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la république."
Traduction :
"Hey, César nous emmerde, vous avez permission de le trucider."
Mais voilà, à cause de méchants pas beaux qui ont fait que semer la division (selon César) Pompée l'aime plus, et puis il aime pas qu'on lui fasse de l'ombre, et puis il a deux légions sous le coude alors il a très envie de fighter, c'est vraiment pas la faute de César s'il a dû déclencher une guerre, hein ?
Mais voyons. Franchement, tout ce début de livre I, c'est Jujules qui essaie de se disculper discrétos parce que, bon, dans les faits, il a un peu déclaré la guerre à d'autres Romains.
Du coup, livre I, chapitre 5, César nous livre ce qui sera son élément de langage pour tous les chapitres à venir : les pompéphiles du Sénat, dans leurs mesures anti-César, empêchent les tribuns de la plèbe (défenseurs du peuple ! sacrosaints !) d'exercer leur droit de veto. ET ÇA, même Sylla, le dictateur romain pro-Sénat 30 ans plus tôt (qui à l'époque est une espèce de souvenir traumatique pour ses opposants et honteux pour ses partisans), même Sylla l'avait pas fait. https://fr.wikipedia.org/wiki/Sylla
Après cette séance agitée, Pompée manœuvre sournoisement dans Rome, faisant des réunions secrètes et levant des troupes... et lors de la réunion suivante du Sénat, réussit à remplir l'assemblée de tous ses partisans. Des césaristes essaient de tempérer la situation, mais en vain, repoussés qu'ils sont par les 3 pires ennemis de César au Sénat : Scipio, le consul Lentulus et Caton le Jeune. César se fend d'une petite digression pour rappeler que Pompée et lui étaient potes avant, snif !
Bref, pour le Sénat, César ne fait pas partie de l'arc républicain. Un certain Scipio (clairement pote de Pompée) lâche qu'il faut prendre des mesures graves pour sauver la république. Un certain Calidius (clairement pote de César) propose que hey, y a qu'à faire sortir Pompée d'Italie pour que César se calme, mais l'un des consuls du moment, Lentulus, balance "Même pas en rêve".
On soutient la proposition de Scipion, mais les tribuns de la plèbe (clairement potes de César) y mettent le veto.
Le livre I de la Guerre civile, vu qu'apparemment il manque des phrases au début, nous plonge en pleine séance du Sénat romain. Le Sénat vient de recevoir des lettres de Caius Iulius César (notre... euh... héros), et le Sénat voit rouge. On est en janvier 49 et Caius aurait dû lâcher son armée au 31 décembre, mais il veut pas, sous prétexte que Pompée, son ex-poteau et rival, a toujours la sienne. Et le Sénat est très très très pro-Pompée. Sénat ❤️ Pompée.
Déjà, si vous voulez vous repérer dans cette série de threads et que vous n'y connaissez pas grand-chose sur Rome en 49 av. J.-C., vous pouvez lire ce rapide résumé du bordel monstre de la politique romaine à l'époque : https://mastodon.top/@hist_myth/110809377944692316
Aujourd'hui, et comme promis, lisons La Guerre civile de Jules César ! Comment un sacré zigoto de général arrive sous des prétentions politiques abstruses à casser la gueule de son rival et prétendant comme lui au pouvoir suprême, et à ainsi devenir dictateur à vie ? Vous le saurez en suivant ce THREAD ⬇️