Quelqu'un a partagé ça ici cet aprem : https://www.icj-cij.org/case/192
C'est une retranscription de l'affaire qui oppose, au sein de la cours de justice internationale, l'Afrique du Sud et Israël. l'Afrique du Sud ayant saisi la juridiction pour faire reconnaître le genocide en cours à Gaza et appliquer les dispositions de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Je ne me suis pas énormément renseignée depuis octobre sur le déroulement, l'ampleur et les conséquences de la politique et des
interventions militaires israéliennes. J'ai vu passer des choses évidemment, notamment le terme génocide, qui me semble adapté, mais je suis toujours en difficulté pour m'informer sur ce sujet. Je me suis très peu exprimée aussi sur la question, me contentant de repartager ce qui me semblait essentiel.
D'une part parce que c'est hyper lourd émotionnellement, que je suis juive, que je me sens impuissante, illégitime. D'autre part parce que j'ai du mal à trouver des sources et supports d'informations adaptés à mes besoins. Je ne peux pas aller en manif, regarder des vidéos ou la télé, écouter des podcasts ou la radio. Je suis globalement limitée au texte et bon, difficile de trouver des media qui aient les moyens ou l'envie d'écrire là dessus sans verser dans l'islamophobie, l'antisémitisme ou d'autres trucs.
Bref. Je me suis tapée les 85 pages du document "Verbatim record 2024/1", retranscription de l'audition de la délégation sud africaine, qui a eu lieu il y a quelques jours.
Puis les 75 pages de l'audition de la délégation israélienne, qui a eu lieu le lendemain.
Ça reste compliqué à lire car c'est du droit international avec des citations, renvois, complexité et subtilités. Par exemple génocide et crime de guerre ne sont pas la même chose et sont traitées de manières différentes et voir des gens expliquer et argumenter là dessus de manière parfois depassionnée pour justifier ou décrédibiliser telle ou telle demande. Ou voir un délégué sud africain s'excuser de ne pas pouvoir presenter sa plaidoirie en français (on est à la Hague) ou tous les intervants être courtois et exprimer à quel point ils sont honorés d'être là alors qu'on parle d'un FOUTU GÉNOCIDE ça a quelque chose de glaçant et désespérant.
Mais.
À côté de ça, je trouve que le plaidoyer de la délégation sud africaine est une excellente synthèse, parfaitement sourcée et claire (une fois qu'on a dépassé les introductions et sections juridico-legaliste) pour comprendre la gravité de la situation et pourquoi on parle de génocide et même ce que c'est qu'un génocide et comment ça se produit et pourquoi se qui se produit à Gaza est un genocide, comment les discours et les interventions militaires, les restrictions sur l'aide humanitaire, la destruction des infrastructures publiques, des hôpitaux, des écoles et universités, les évacuations et tout le reste s'articulent en un génocide. Il y a les chiffres, les proportions, les dates, les citations, les témoignages qui permettent d'appréhender tout ça.
Et le discours qui lie le tout, sans antisémitisme (à mon sens), focalisé sur : poser des mots sur cette réalité. Dans l'idee de faire adopter des mesures le plus rapidement possible pour l'enrayer (je sais pas quel pouvoir a concrètement la cours de justice internationale pour les faire appliquer concrètement, je doute que ça soit très impressionnant pu menaçant pour Israël).
C'est une lecture assez traumatisante par certains aspects. La délégation sud africaine a volontairement évité de montrer des photos ou vidéos de corps ou de blessés, par exemple, pour ne pas baser sa plaidoirie sur une surenchère d'images choquantes (c'est leur justification en tout cas, elle me semble plausible et raisonnable), mais elle ne se prive pas de parler en détail des privations d'eau, de nourriture, de soin, des bombardements et des conséquences immédiates et à long terme sur la population.
Et c'est également traumatisant pour moi de voir tout ça posé sur papier de manière très formelle, une affaire comme une autre finalement, avec ses règles et ses procédures. Je sais pas, par moment ça confine à absurde,j'ai l'impression de perdre pied.
Je crois que les délégués sud africains aussi, en tout cas je l'ai ressenti comme ça a certain moment. L'indignation et la colère et l'impuissance qui ressort malgré les formes et les tournures.
J'ai pas le contexte, je ne sais pas pourquoi c'est l'Afrique du Sud seule et pas un d'autres états qui le font avec elle, ou s'il le font uniquement pour mettre fin au génocide ou pour d'autres considérations géopolitiques.
Mais j'ai appris énormément de choses, j'avais jamais vu autant d'éléments rassemblés et documentés et contextualisés en un seul endroit concernant le génocide à Gaza.