Je m'ennuie un peu, donc je vais vous parler de GPA. Précisément, de contrat de GPA légaux en Californie, conclu par deux papas français. Et de ce qu'a fait la France de tout ça. J'ai adoré commenter ces arrêts, peut-être qu'ils vous intéresseront aussi.
Donc les faits sont simples : les papas partent en Californie et concluent un contrat de GPA, ce qui est légal là-bas, mais lorsqu'ils reviennent en France, les tribunaux refusent de transcrire l'acte de naissance en droit français.
La Cour de cassation rend plusieurs arrêts. Pour elle, la conception française de l’ordre public international s'oppose à la transcription, elle se fonde sur l'article 16-7 du Code civil : "Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle."
L'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (celle qu'applique la CEDH) consacre la primauté des droits de l'enfant. Cependant, la Cour de cassation estime qu'il n'est pas applicable. Si elle l'appliquait, cela aurait pour résultat "d'écarter tous les effets de l’interdiction, donc l’interdiction elle-même".
Les papas saisissent la CEDH. D'abord, la CEDH fait valoir qu'à l'époque, en 2013, le Ministère de le Justice avait rédigé une circulaire qui visait à accorder aux enfants nés par GPA un CNF (certificat de nationalité française). Mais la CEDH doute : l'article 18 du Code civil dispose que ”est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français”, sauf que l'acte de naissance n'a jamais été transcrit en droit français et que donc, l'enfant, pour la France, n'a aucun parent français : pourrait-il donc ne jamais être français, alors que la CEDH a toujours jugé que "la nationalité est un élément de l’identité des personnes" ?
En effet, les actes de naissance étrangers sont bien reconnus en France, sauf lorsqu'ils sont "irréguliers, falsifiés, ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité” (art. 47 du Code civil)
La CEDH relève qu'en l'absence d'acte de naissance français, l'enfant ferait face à l'incompréhension des administrations, et que son accès à des besoins élémentaires comme la sécurité sociale, la cantine scolaire... serait entravé, et que cela "porterait atteinte à son identité au sein de la société française".
La CEDH refuse de se prononcer sur le principe de la GPA, puisqu'elle estime qu'il n'existe pas de consensus en Europe sur cette pratique, et laisse aux pays le droit de rendre légaux, ou illégaux, ces contrats. En revanche, elle affirme que la primauté des droits de l'enfant s'applique à tous les enfants, quelle que soit la manière dont ils sont nés.
La CEDH rend cet arrêt le 26 juin 2014 et condamne la France : la Cour de cassation a fait une erreur de droit en estimant que l'ordre public international primait sur les droits de l'enfant. Et la CEDH enjoint à la France de transcrire cet acte de naissance en droit français.
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